L’eau et l’emploi : même combat ?

78% des emplois dans le monde dépendent de l’eau. C’est le constat que dresse le rapport des Nations Unies, « L’eau et l’emploi », dans l’espoir d’alerter les Etats et les entreprises sur l’importance cruciale quant à la gestion de cette ressource vitale. Faute de quoi, l’organisation mondiale alerte sur les dégâts considérables qui pourraient être engendrés sur l’économie et la société.

Un rapport du Programme Mondial pour l’Evaluation des Ressources en Eau (WWAP) a pu clairement établir le lien d’interdépendance entre l’eau et l’emploi. « Plus d’un milliard d’emplois, ce qui représente plus de 40% de la population active, sont fortement dépendants de l’eau. » rapporte un des auteurs. Huit des industries qui emploient le plus grand nombre de personnes dans le monde  ont un besoin important d’approvisionnement en eau pour fonctionner : l’agriculture, la foresterie, la pêche, l’énergie, les productions nécessitant une forte intensité des ressources, le recyclage, la construction et le transport.

D’autres secteurs « qui n’ont pas besoin d’un accès à des quantités significatives de ressources en eau pour leur déroulement de leur activité » doivent également être pris en compte dans cette estimation du lien entre l’eau et l’emploi, ont-ils ajouté dans le rapport. Les Nations Unies considèrent donc que 1,2 milliards d’emplois, soit 36% de la population active mondiale, sont modérément dépendants de l’eau.

Au total, c’est trois quarts es emplois dans le monde qui sont fortement ou modérément dépendants de l’eau. Ce constat doit être pris très au sérieux, indique le rapport, notamment au regard de la démographie future, du développement des pays du Sud et du réchauffement climatique.

La Terre, une maison pour plus de 9 milliards de personnes

D’ici 2050, la population de la planète devrait passer de 7 milliards à 9,3 milliards d’habitants. Selon les auteurs du rapport, cette hausse exercera d’abord une pression sur notre approvisionnement alimentaire, mais aussi sur les besoins en énergie et en transport.

Mais bien que la satisfaction de ces besoins soit nécessaire au développement économique et humain, l’organisation mondiale prévient que les quantités d’eau disponibles diminueront. Par ailleurs, dans les régions où l’accès aux ressources en eau est déjà difficile ou sera exposé à une pénurie dû au réchauffement climatique, l’impact sur l’emploi et le bien-être pourrait être catastrophique.

"La réduction de la disponibilité de l'eau intensifiera encore davantage la concurrence de son accès entre les utilisateurs, y compris dans le secteur de l'agriculture, dans le maintien des écosystèmes, dans les établissements humains, dans l'industrie et la production d'énergie. Cela affectera les ressources régionales en eau, la sécurité en matière d'énergie et d'alimentation, et potentiellement la sécurité géopolitique, provoquant des migrations à différentes échelles. Les possibles impacts sur l'activité économique et le marché de l'emploi sont réels et potentiellement graves ", affirme le rapport.

Une gestion durable de l'eau : la clé des emplois de demain

Inversement, le WWAP note qu'investir dans les infrastructures et dans une meilleure gestion de l'eau "c'est investir dans l'emploi" et la croissance.

Par exemple, le programme estime que " dans le secteur de l'agriculture irriguée, qui représente 70 % des prélèvements d'eau douce dans le monde, les économies potentielles d'efficience découlant de l'augmentation de la productivité de l'eau pourraient atteindre 115 milliards de dollars par an d'ici 2030 (selon les prix de 2011) ".

Cependant, selon les Nations Unies, une augmentation des investissements ainsi que la mise en œuvre d'innovations pour économiser l'eau ou l'obtenir par de nouveaux moyens ne suffiront pas.

Le rapport souligne ainsi l'importance de la gouvernance : "Pour atteindre ces objectifs sociétaux, il faut une cohérence et une vision commune, notamment entre l'eau, l'énergie, l'alimentation, l'environnement, les politiques sociales et économiques, en veillant à ce que les incitations soient alignées pour toutes les parties prenantes et que les impacts négatifs soient atténués - par exemple, en assurant l'employabilité future des personnes déplacées vers des secteurs où l'emploi risque de chuter. »

Citant une étude de l'Institut du Pacifique, les auteurs du rapport réitèrent également le fait que des investissements correctement ciblés sont propices à la création d'emplois décents : pour chaque million de dollars investis, 10 à 15 emplois directs, indirects ou induits pour de nouvelles solutions d'approvisionnement en eau sont créés, 5 à 20 dans la gestion des eaux pluviales, et 10 à 72 en faveur de mesures de restauration et de réhabilitation.

Bref, les choix et les investissements réalisés dans l'eau dans les années à venir détermineront l'avenir du marché mondial de l'emploi et notre bien-être.